Mes trois plus grandes sources d'ennui dans ma vie hors-Qc... Vincent, Sébastien et Isabelle

mardi 26 février 2008

« 24 Chrono »… moins 1 heure !

Cette journée est spécialement dédiée aux fans – comme moi et Stéphane – de la série télévisée « 24 » (Kiefer Sutharland), étant donné qu’on a expérimenté comme lui, ce que c’était de vivre – presque – 24 heures réveillés.

4h30 AM : le cellulaire à Stéphane sonne et il finit de me réveiller avec 2-3 bisous…
5h00 : les préparatifs vont bon train. Comme nous serons partis longtemps et reviendront très tard, je remplis les bols des animaux de bouffe, m’assure qu’ils ont de l’eau en masse et prépare une litière de fortune à Filou, en remplissant une grande casserole à lasagne en aluminium réutilisable (de type Alcan), de quelques pelletées de sable que je prends directement sur le terrain en avant. Ça devrait faire l’affaire pour aujourd’hui, jusqu’à ce que je puisse acheter une vraie litière… Je nous prépare également à déjeuner, mais Stéphane ne prend qu’une bouchée ou deux, trop préoccupé à ne rien oublier. De toute façon, il n’est pas du genre à déjeuner tôt le matin, contrairement à moi qui doit manger dans la prochaine heure de mon lever.

6h00 : on est prêt à partir. Les coqs chantent à qui mieux mieux et le ciel est clair, même si on ne voit pas encore le soleil. Pas trop de nuage en vue, j’espère qu’on sera chanceux et que la pluie épargnera Stéphane…

7h00 : on roule maintenant sur la route qui mène à Linden, petite ville secondaire que je connais seulement parce que le signal cellulaire ne dépasse pas sa limite et que Stéphane m’empresse de m’appeler lorsqu’il revient du campement, chaque fois qu’il y arrive.

8h00 : rendu à Linden, Stéphane fait 2-3 arrêts dans de petites shops qui font office de quincaillerie, parce qu’il a oublié – ou n’a pas eu le temps – d’acheter 2-3 items hier. Je suis surprise de voir qu’il connaît ces endroits, mais il passe ici au mois une fois, parfois 2 fois par semaine et souvent avec des gars du pays qui lui ont montré toutes les ressources que eux connaissent.

9h00 : on atteint la fin de la route « pavée » et le calvaire commence. Dire que le chemin est pavé est un euphémisme ! Jusqu’au campement, Stéphane doit conduire comme s’il enfilait un parcours de slalom. La voie est large, d’au moins 4 véhicules, mais aussi criblée de trous qu’un champ dont les mines auraient toutes explosé. Ça brasse tellement que malgré toutes les manœuvres de Stéphane, il m’arrive de décoller de mon siège d’au moins 6 pouces !

10h00 : impossible de rouler plus de 60 km/ hre on croise l’embranchement de la seule route qui mène au Brésil. En examinant la forêt, je fais remarquer à mon chum que je n’ai vraiment pas l’impression qu’on est dans la jungle et que si ce n’était pas de quelques palmiers par-ci par-là, on pourrait même se croire au Québec. Il m’explique que ça va changer bientôt et qu’au fur et à mesure qu’on rentre dans les terres, les arbres gagnent en hauteur et la forêt devient plus dense.

11h00 : j’ai parfois l’impression que ça doit être plus tranquille et qu’on se fait moins brasser dans une sécheuse ! Malgré tout, histoire de me divertir et enlever mon focus sur le brasse-camarade, ça fait déjà un bout que j’ai sorti mon tricot et que j’arrive à enfiler de nouvelles mailles entre deux soubresauts.

12h00 : on arrête à « 58 miles », un espèce de « truck-stop » perdu dans le milieu de nulle part, où je suis agréablement surprise de trouver des toilettes très propres, avec même un siège et du papier de toilette… on s’achète un rafraîchissement et on repart après pas plus de 20 minutes d’arrêt.

13h00 : tout près du campement, lorsqu’on quitte la route principale, le chemin devient évidemment très étroit et on a dû traverser de véritables petits étangs, créés par des pluies hors de l’ordinaire, du moins bien en dehors de la saison normale des pluies. Je me fermais les yeux en priant qu’on ne reste pas pris… même si j’avais apporté mes bottes de pluie. On arrive enfin, après plus de 6 heures d’un trajet extrêmement difficile… et dire qu’il faut repartir dans quelques heures.

14h00 : on meurt de faim et le cuisinier du camp, Eman, nous sert à manger, après avoir démarré la génératrice pour refroidir le frigo et y ranger les fruits et légumes qu’on lui a apporté. C’est vraiment incroyable de voir comment il arrive à se débrouiller sans eau courante, avec un seul poêle de camping à 2 éléments. Une autre baraque – constituée seulement d’une grande toile sans côté – sert de dortoir. Evidemment, tous les lits et hamacs sont recouverts de filet anti-moustique.

A un moment donné, un cri d’oiseau vraiment particulier attire mon attention. Un chant d’oiseau comme évidemment je n’ai jamais entendu, très fort, strident et très haut dans le ciel. Lorsque je demande à un des mineurs comment je pourrais faire pour essayer de l’apercevoir, il se met à rire et m’explique que ce sont sort d’un tout petit oiseau, à peine plus gros qu’un oiseau-mouche et qu’il y a trois ans, un journaliste du National Geographic a mis une semaine dans la région, avant de réussir à le photographier.

15h00 : je dois aller au petit coin… mais il n’y a pas de petit coin ! En fait, ils n’ont pas encore eu le temps d’en faire un… la production d’or est plus importante pour le moment… Stéphane m’indique une section de la forêt où me diriger mais j’ai beau chercher, l’endroit est jonché de débris forestiers et il n’y a pas une seule éclaircie en vue. Je reviens donc bredouille, en lui disant que je préférerais qu’il vienne avec moi m’aider à trouver un coin plus approprié. C’est vrai qu’on est vraiment dans la forêt tropicale ici, les arbres pointent vers le ciel à des hauteurs vertigineuses.

Au retour, Stéphane doit repartir vers la mine, qui se trouve à un peu moins qu’un kilomètre du campement. Il m’offre de l’accompagner mais pour dire la vérité, je dors debout et je préfère me fermer les yeux quelques minutes. À cause d’une niaiserie – j’ai aperçu MON sac de couchage sur son lit sans qu’il m’aie jamais demandé de l’emprunter et je lui ai dit que je le ramenais chez nous et qu’il devrait savoir comment je fais attention à mes affaires, surtout qu’il s’est déjà fait voler un matelas ici alors imagine un petit paquet comme ça… bla bla bla – bref à cause de cette mini altercation, il me dit alors qu’il ne veut pas que je dorme sur son matelas !

Soit, je prend mon oreiller de voyage – que je traîne toujours avec moi dans les longs déplacements – et je m’installe à la table de pique-nique où j’arrive à somnoler, la tête sur la table, juste à côté de la génératrice qui ronronne, tellement je suis fatiguée. J’ai quand même une pensée pour Stéphane qui vérifie l’état des opérations à la mine et je me demande comment il fait…

Tout d’un coup, on me tape sur l’épaule et le jeune cuisinier me pointe du doigt le hamac qu’il vient tout juste d’installer entre deux poteaux de la tente, juste pour moi. Je suis vraiment touchée par son attention et je n’ai pas besoin de plus de 2 minutes pour vraiment m’endormir. Malgré la chaleur et l’humidité, il arrive qu’une bonne brise nous rafraîchisse pour un bref instant.

16h00 : je me suis réveillée en ayant l’impression d’être encore plus fatiguée, mais l’appel de la nature m’a forcée à retourner au « petit coin » que Stéphane m’avait découvert à notre arrivée, mais seule cette fois. Accroupie, j’essayais de ne pas trop penser à toutes les bestioles qui devaient se promener sous le couvert des feuilles mortes qui tapissent le sol mais une grenouille ou un crapaud m’a fait sursauter en croassant à quelques pouces de mes fesses !

17h00 : pendant que Stéphane voit à ses affaires, je m’occupe de récupérer de l’information manquante sur les employés qu’il a dû engager rapidement pour remplacer sa première équipe, temporairement ravagée par la malaria et la typhoïde. J’ai également pris leur photo, que j’insère dans leur dossier informatisé, ce qui pourrait toujours être utile un jour… on ne sait jamais ! J’ai montré au cuisinier comment remplir la feuille d’achats du camp et autres procédures.

Ce dernier m’a cependant impressionné avec deux de ses créations culinaires : une délicieuse cossetarde qu’il a simplement préparée avec du lait et des œufs, dans un plat de plastique qu’il a fait cuire dans un chaudron rempli d’eau et un pain. Ouais, un pain bon et moelleux à souhait, lui qui n’a même pas de four, alors que moi je n’y arrive pas encore avec ma super machine à bain que j’ai fait venir des Etats-Unis ! Je ne sais pas encore comment ça se peut, mais il arrive à faire cuire ça dans un chaudron, sur un rond de poêle. Faut être débrouillard pas à peu près !

18h00 : Stéphane a terminé ce qu’il avait à faire ici, mais comme il fera noir de toute façon dans 15 minutes et que le souper est prêt, aussi bien manger avant de partir pour un long voyage de retour. On mange ce que eux appellent un « Chow Mein », mais ce sont essentiellement des nouilles chinoises agrémentées de quelques morceaux de poulet tout plein d’os, car ils prennent un poulet complet et le coupe en milles petits morceaux, n’importe comment, sans se soucier de le dépecer…

Dès que la noirceur approche, je « rallonge » mes shorts en pantalon et nous nous vaporisons à profusion de chasse-moustique, car c’est surtout dans les terres intérieures que les moustiques peuvent être porteurs de malaria.

19h00 : nous amorçons le voyage de retour. Stéphane doit rouler encore moins vite que durant le jour car son champ de vision étant restreint par l’éclairage des phares, il ne peut se servir de toute la largeur de la route pour essayer d’éviter les trous le plus possible.

20h00 : à l’arrêt de Frenchman Landing, un espèce de regroupement de kiosques vendant un peu n’importe quoi, Stéphane reconnaît un gars avec qui il a fait des affaires par le passé. Ça placote une quinzaine de minutes, pendant lesquelles j’en profite pour me fermer les yeux dans le camion et somnoler, ce qui est absolument impossible de faire en roulant.

21h00 : les phares du véhicule sont notre seule source de lumière, dans le creux de cette sombre forêt. Plus que jamais, je prends conscience à quel point je suis loin de mes racines, au Québec, dans un environnement si étranger. Je souhaite très fort que le camion tienne le coup et qu’on n’ait pas de bris mécanique, car on ne rencontre pas plus de 2 véhicules en contresens à l’heure.

22h00 : côté mécanique, les gars que Stéphane a rencontré plus tôt ont été moins chanceux que nous. Comme ils avaient un peu d’avance, nous les avons croisés arrêtés sur le côté de la route, à cause d’une crevaison. Malheureusement, ils n’avaient pas de bon « jack » pour leur véhicule et nous avons dû leur prêter le nôtre.

Je commence à être brave, car j’en profite pour partir de mon côté avec la lampe de poche et me trouver un « petit coin ». Je m’efforce de ne pas penser aux « bibittes » qui pourraient surgir de n’importe où, petites et grosses… ça donne quoi d’avoir peur ? Alors je me concentre sur les bruits de la jungle et j’en profite pour admirer le ciel d’un noir d’encre, parsemé de milliers d’étoiles comme je n’en ai pas vu depuis longtemps ! Je savoure cet instant, à des années-lumières de ma vie québécoise de citadine et je l’apprécie.

23h00 : nous roulons toujours sur la route non-pavée… je ne sais pas comment Stéphane fait pour tenir le coup. C’est probablement l’adrénaline qui le tient en alerte comme ça car derrière le volant, il ne peut relâcher sa vigilance une seule seconde. C’est mon héros ! Continuellement secouée comme un sac de patates, mon corps n’arrive pas à s’endormir mais mon cerveau oui. Je me rends compte que je rêve éveillée… je marmonne quelque chose par rapport à mon rêve et lorsque Stéphane me demande de répéter, je lui réponds « Non c’est rien, je rêvais » !

24h00 : de temps en temps, pendant que je me retiens à la poignée au plafond du truck, mon étreinte se desserre soudainement, comme si je venais de m’endormir et mon bras tombe lourdement sur mes genoux, ce qui me réveille !

1h00 : nous atteignons enfin la route pavée beaucoup mieux carrossable, mais dans un pick-up à la suspension super renforcée, il est toujours impossible de m’assoupir. Je regarde Stéphane du coin de l’œil et je crains qu’il ne s’endorme au volant. Alors j’insiste pour qu’il arrête sur le coté de la route, dans un espace réservé aux arrêts d’urgence, et qu’il se repose un peu, ne serait-ce qu’une demi-heure. Rendu à ce point, ce délai ne changera pas grand-chose à notre horaire… il ne s’obstine pas et ne met pas 30 secondes à s’endormir.

2h00 : comme nous traversons Georgetown en approchant de la maison, on se fait arrêter sur une rue principale, par un barrage de policier, monnaie courante par ici. Ils sont armés jusqu’aux dents d’imposantes carabines et s’informent auprès de Stéphane des raisons qui nous font circuler : d’où on vient, où en va, etc. Celui qui nous parle informe alors Stéphane que c’est difficile de rester réveillé toute la nuit et que lui et son équipe apprécieraient bien pouvoir se payer un bon café. Autrement dit, ils nous « quêtent » littéralement et Stéphane n’est pas d’humeur à faire des chichis alors il leur remet rapidement de l’argent pour pouvoir rentrer à la maison au plus vite !

3h00 : enfin on rentre à la maison ! Évidemment, Brutus est fou de joie, car il n’a jamais été si longtemps tout seul et ça prend plusieurs minutes avant de le calmer. Pendant que Stéphane rentre le camion au garage et débarque l’essentiel, je puise dans mes dernières réserves d’énergie pour nourrir les animaux, faire sortir Filou et prendre une douche.

3h30 : 23 heures après notre lever, le lit est bon en maudit… mais je crois que même une paillasse de foin aurait fait l’affaire ! Je dis bonne nuit à mon « Jungle Jim », en me disant que des hommes comme lui, il ne doit plus s’en faire beaucoup…

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